Par KidaLauzia Paquette

Tori et Lokita, un film de Luc et Jean-Pierre Dardenne figurant parmi les films présentés au Festival du nouveau cinéma de cette année, est une oeuvre belge mettant en vedette Lokita (Joely Mbundu) et son petit frère Tori (Pablo Schils) dans une aventure déchirante de malheur. Tentant, en vain, d’obtenir ses documents légaux afin de s’installer en Belgique et d’étudier pour être femme ménagère, Lokita est forcée de vendre de la drogue pour un cuisinier pervers du nom de Betim (Alban Ukaj). Cette vie de réfugiée d’Afrique mènera Lokita à être séparée de son petit frère, alors que Betim la force à aller vivre recluse dans un jardin et à cultiver de la drogue pour lui. S’ensuit une histoire émouvante où Tori et Lokita tentent de se revoir, de s’échapper et de vivre dans un pays qui ne veut pas d’eux.

Personnellement, au niveau du plaisir, je n’en ai ressenti aucun alors que je regardais Tori et Lokita. En effet, ce film traite d’un sujet désagréable et l’aborde de façon crue et cruelle. Ainsi, ce n’est pas du tout agréable à regarder, non pas à cause des scènes choquantes, mais vraiment parce que le sujet est dur à digérer. De plus, sans trop divulgâcher, je ne peux que dire que la finale m’était très inattendue et m’a profondément choquée. Tellement choquée, même, que je suis restée figée, la bouche ouverte et les yeux ronds, pendant un bon moment! À vrai dire, je ne me suis remise du choc de ce film que plusieurs jours plus tard! Je sais également que je ne fus pas la seule à être de cet avis… En effet, alors que je sortais de la salle, j’ai pu entendre le choc d’une autre spectatrice: « C’était vraiment dur, j’ai pas du tout aimé! » Voilà ce que je l’ai entendue dire à son mari, et je ne peux qu’être d’accord.

Bien que le film ne fut pas du tout plaisant à regarder, il n’était pas non plus mauvais. C’est justement la perte de plaisir du spectateur qui, selon moi, rend le film encore plus véritable. C’est exact, Tori et Lokita traite d’un enjeu social qui existe encore en 2022, soit la fermeture d’esprit envers les immigrants ainsi que leurs difficultés à commencer une nouvelle vie. Ainsi, comme le film semble dénoncer un élément véridique et grave, le ton sombre et déplaisant permet au spectateur de vraiment se sentir mal vis-à-vis de la cruauté de la société d’aujourd‘hui. Le réalisme du film permet au spectateur de bien comprendre que Tori et Lokita ne vise pas à nous divertir, mais plutôt à nous faire prendre conscience d’un problème réel et parfois méconnu. En ce sens, Luc et Jean-Pierre Dardenne réussissent énormément leur but.

Finalement, le dernier critère vu dans cette critique : l’utilité. À mes yeux, le film était très utile afin que les spectateurs puissent se rendre compte d’un autre problème vécu dans notre société. On parle beaucoup de la bataille des Black Lives Matter, se rappelant encore et toujours les policiers faisant preuve de racisme. Pourtant, Tori et Lokita fait la lumière sur une autre partie du problème : les immigrants se voyant refuser leurs droits de citoyenneté. Ainsi, pendant 88 minutes, on aperçoit une part cachée et détestable de la société que l’on n’entend pas souvent aux nouvelles. Encore une fois, le réalisateur ne réussit que trop bien son but de nous faire prendre conscience d’un enjeu social présent dans la société, rendant le film Tori et Lokita déplaisant, mais utile.

En conclusion, le film Tori et Lokita est un film très dur à regarder, ce qui semble être le but recherché par les créateurs. Ce fait démontre en effet la situation réelle qui se déroule dans notre société, ce qui rend le film belge très utile pour sensibiliser le public. Bien que je n’aie eu aucun plaisir à regarder cette production, je peux dire qu’il s’agissait d’un très bon film, bien pensé et bien monté. J’ai entre autres plus qu’apprécié le talent du réalisateur pour « montrer sans montrer ». En effet, les scènes de violence ou d’abus sexuel sont sous-entendues, sans toutefois être explicitement montrées. Ainsi, plutôt que de tomber dans la vulgarité, le film choque non pas par ses scènes en tant que telles, mais bien par le sujet et l’enjeu réels auxquels les immigrants font face. À mes yeux, il s’agissait d’un point très fort : Tori et Lokita vise à sensibiliser, mais ne vire pas en sensationnalisme. En bref, je ne regrette pas du tout d’avoir regardé ce film!

Photo : Imat Bagja Gumilar sur Unsplash