«Knock at the Cabin»: prévisible au possible

« Knock at the Cabin » : prévisible au possible

Une critique de film de Maya Sapronov, 24 mars 2023

Knock at the Cabin, sorti le 3 février 2023 au Canada et adapté du livre d’horreur de Paul G. Tremblay The Cabin at the End of the World paru en 2018, est le dernier film de M. Night Shyamalan. Le réalisateur avait laissé le public plutôt insatisfait ou du moins dubitatif avec ses derniers films, notamment Old en 2021 ou Glass en 2019 et il ne se rattrape pas vraiment avec son dernier film sorti. En effet, Knock at the Cabin partage le public : certains trouvent que le réalisateur a réussi à revenir en force, quand d’autres commencent à sérieusement se lasser de ses scénarios bâclés. 

M. Night Shyamalan nous sert un récit apocalyptique aux nombreuses références bibliques avec pourtant très peu de scènes d’apocalypse et une très fine couche d’effets spéciaux. 

On suit Wen (Kristen Cui), une petite fille, et ses deux pères, Eric (Jonathan Groff) et Andrew (Ben Aldridge), en vacances dans un chalet reculé dans la forêt lorsque quatre inconnus armés viennent perturber leur tranquillité en insistant pour entrer chez eux. Inquiets, Andrew et Eric refusent d’ouvrir. C’est alors que les quatre étrangers entrent par effraction et empêchent la famille de sortir du chalet en clamant qu’il doivent choisir de sacrifier l’un d’entre eux pour sauver l’humanité entière de l’Apocalypse. Le couple, naturellement sceptique face à cette affirmation, refuse de sacrifier qui que ce soit. 

Une intrigue qui bat de l’aile

Si le film nous présente un énorme dilemme, sauver soit sa famille ou le monde entier, on ne peut pas dire que les actions entreprises par les personnages sont inattendues. Oui, on est dans le doute tout le long quant à qui a raison et ce n’est certainement pas M. Night Shyamalan qui nous pousse à prendre partie, car sur ce point-là le scénario est totalement neutre. Par contre, la fin est cousue de fil blanc tout le long du déroulement de l’action. En fait, on voit venir tout ce qui se passe bien avant que ça se déroule. Niveau intrigue, c’est assez dommage pour un film d’horreur, de mystère et de suspense, surtout quand plusieurs opportunités de retournement de situation apparaissent dans l’histoire pour au final s’avérer n’être que des éléments mineurs de la trame narrative. Au niveau de l’avancement de l’histoire, il est difficile de comprendre en quoi les flashbacks de la vie du couple homosexuel nous est utile à part amener le spectateur à s’attacher à la famille, ce qui aurait pu se développer dans tous les cas avec des scènes largement écourtées. Malgré tout, le rythme est assez rapide, on ne s’ennuie pas. Comme spécifié plus tôt, les références bibliques sont nombreuses. Déjà, il y a la présence de l’Apocalypse, mais aussi des quatres inconnus qui viennent prédire l’avenir à la famille de Wen en affirmant tous avoir eu des visions de ce qui allait se passer. Ces sortes d’oracles sont en fait les quatre cavaliers de l’Apocalypse dont il est fait mention dans le Nouveau Testament. Ils sont aussi symbole des qualités humaines, soit la malice, l’attention, la guérison et l’éducation. Au début du film, Leonard (Dave Bautista), un des quatre séquestreurs, cogne sept fois à la porte du chalet, un chiffre symbolique dans la religion chrétienne puisqu’il fait référence aux sept fléaux de l’Apocalypse, qui sont des coups de colère que Dieu a jetés sur la Terre. La présence répétitive des sauterelles dans Knock at the Cabin vient d’ailleurs rappeler un de ces sept fléaux. Finalement, la morale finale est difficile à saisir, laissant le spectateur perplexe face à un récit où les liens entre religion, monde moderne et homosexualité sont difficiles à saisir.

Une direction des acteurs extraordinaire

Le jeu d’acteur, en revanche, est formidable. La jeune Kristen Cui dans le rôle de Wen est vraiment très crédible, c’est impressionnant. Dave Bautista, connu pour son rôle en tant que Drax dans Guardians of the Galaxy, est excellent dans la peau de Leonard. Son jeu est convaincant et ses émotions ressortent à l’écran subtilement, et parfois même par une simple respiration. Quant à Jonathan Groff et Ben Aldridge, ils interprètent très bien les parents inquiets dont la principale préoccupation est leur enfant. On note aussi l’émouvant jeu de Abby Quinn dans le rôle d’Adriane (surtout lors de son monologue sur son fils), et de Nikki Amuka-Bird dans le rôle de Sabrina, deux des quatres devins. Finalement, la courte présence de Rupert Grint qui a marqué notre enfance en tant que Ron Weasley dans Harry Potter et qu’on reconnaît à peine tant son jeu est bon dans le rôle de Redmond, également un des quatre devins. Night Shyalaman a superbement dirigé ses acteurs et a encore une fois relevé le défi de faire jouer de manière crédible un enfant comme il l’avait fait dans le Sixième Sens avec le personnage de Cole Sear et dans Signs avec le personnage de Bo Hess. 

Les personnages sont intéressants, tous ont leur petite histoire, ce qui nous permet de cerner leur caractère et leur motivation. L’évolution de leur conviction est crédible et visible à l’écran grâce à des plans rapprochés, mettant en évidence un des personnages en pleine réflexion, par exemple.

La bande originale par Herdís Stefánsdóttir est assez bonne, elle permet de faire monter un peu la tension dans plusieurs des scènes. 

Une tension qui aurait d’ailleurs pu être bien plus intense si l’aspect huis clos avait été mieux exploité. Effectivement, Knock at the Cabin est un huis clos, pourtant on ne ressent pas ce sentiment oppressant d’un lieu confiné qu’il est pourtant intéressant de retrouver dans les films d’horreur, surtout quand il s’agit d’une prise d’otage. On retrouve quand même plusieurs plans de caméra très intéressants et captivants, ainsi qu’une belle direction artistique. 

Finalement, Knock at the Cabin est un bon petit film à regarder la fin de semaine mais définitivement pas le chef-d’œuvre de l’année. C’est un film loin d’être classé dans la catégorie de l’horreur ni même d’horreur psychologique à mon goût à cause de l’absence presque totale de tension. Cela dit, le manque d’intrigue est tout de même rattrapé par le très bon jeu des acteurs et la qualité des plans et des mouvements de caméra originaux. 

Knock at the Cabin (La Cabane Isolée)

Drame d’horreur de M. Night Shyamalan. Avec Jonathan Groff, Ben Aldridge, Kristen Cui, Dave Bautista, Rupert Grint, Abby Quinn, et Nikki Amuka-Bird. États-Unis, 100 minutes, en salle.

photo par Olivier Guillard sur Unsplash