Entre aube et crépuscule : L’heure est au mauve au Musée des beaux-arts de Montréal

Par Anaïs Medouni


26 février 2022 – Le Musée des Beaux-Arts de Montréal a ouvert les portes de l’exposition L’heure mauve entre 17h et minuit à l’occasion de sa participation au festival Montréal en Lumière. Inaugurée le 12 février dernier, cette exposition met de l’avant les travaux de l’artiste d’origine suisse Nicolas Party, étoile montante du domaine artistique, ainsi que des pièces de la large collection du musée ; le tout accompagné de musique de l’auteur-compositeur-interprète québécois Pierre Lapointe.

L’artiste

Né en 1980 à Lausanne, en Suisse, l’artiste-peintre et plasticien Nicolas Party connaît un succès international depuis quelques années. Diplômé de la Lausanne School of Art en 2004 puis de la Glasgow School of Arts à Glasgow, il s’est maintenant établi entre New York et Bruxelles, et est un habitué des galeries Hauser & Wirth où il a notamment eu une exposition à Los Angeles en février 2020. Cette exposition, intitulée « Sottobosco », est une exploration des espaces moins illuminés, sous-bois ombragés qu’il représente à travers une série de tableaux aux pastels tendres sur lin, des sculptures et des murales propres au site. Il a aussi exposé à la Flag Art Foundation en 2019, l’une de ses premières expérimentations avec les installations installations, où il avait notamment placé un portrait datant du XVIIIe siècle de Rosalba Carriera contre une murale réalisée au pastels reprenant des motifs des peintures de Fragonard (1732-1806).

Ce qui lie le classique au fantasmagorique

L’heure mauve est avant tout l’alliance savante de l’art classique et moderne. On parle, d’un côté, de représentations de la nature et de scènes qui tentent de se coller à la réalité en termes de formes et de couleurs et de l’autre, des formes plus géométriques, un peu glauques mais reconnaissables, et surtout des couleurs presque pures, expressives et complétement subjectives. Alors, comment est-ce que des tableaux comme L’heure mauve d’Ozias Leduc et Coucher de soleil de Nicolas Party peuvent-ils se retrouver dans la même salle, exposés côte à côte?

Ce qui juxtapose ces deux œuvres et courants opposés, ce sont les thèmes qu’ils abordent, et pas n’importe lesquels : la nature et le passage temps.

L’œuvre, la mise en scène

L’exposition utilise les sept salles au deuxième étage du pavillon Michal et Renata Hornstein pour subdiviser la panoplie d’œuvres en 7 sous-thèmes, sans oublier l’imposante murale du Coucher de soleil qui accueille les visiteurs. L’exposition commence donc dans l’ombre : la salle mélange portraits glauques aux pastels tendres sur lin aux tableaux du XVIIe siècle de la collection du musée où les couleurs sombres, les serpents, les bois menaçants et les insectes sont rois. Par où commencer, si ce n’est par le commencement : la salle illustre le péché originel, salle d’Adam et d’Ève qui descendent dans le monde et la nature en compagnie du serpent le diable qui rôde, jamais trop loin. 

Déchus, voici les deux humains géniteurs qui prennent connaissance de leur nouvel Éden : la deuxième salle, plus éclairée, met de l’avant le bois, la forêt, globalement la nature un peu déformée et très colorée telle que vue par Party. S’ensuivent dans les autres salles la ruine, les portraits, des natures mortes, de la destruction… pour offrir en conclusion une dernière salle où seules les sculptures de Party trônent. Laissant derrière le classique et les idées préconçues, dans cette dernière règne le glauque, les corps sans têtes et têtes sans corps aux extrémités trop bien arrondies et aux couleurs trop fortes. L’observateur peut s’adonner à un véritable jeu de mix-and-match, en essayant de coller telle tête à tel corps accroupi en se déplaçant et en changeant son point de vue. Au crépuscule de sa visite, on quitte ce monde sur le fond du Coucher de soleil plus imposant que jamais avec une tête rouge qui nous regarde fixement lui tourner le dos.

Réelle mise en scène où le visiteur se trouve acteur, l’exposition joue sur la perspective de chacun et incarne sa pensée. Tantôt observateur de paysages entouré de chaises de plage, tantôt lui-même metteur en scène de ce qu’il voit, le rôle du visiteur progresse à chaque pas qu’il pose. Le sol sur lequel il marche devient de pastels tendres et estompés à l’heure mauve de l’art, où il ne reste plus qu’à se laisser emporter et à penser.

L’exposition, inaugurée le 12 février 2022 au Musée des beaux-arts, y restera jusqu’au 22 octobre de la même année.

Photos : Ludovic