Retour sur la finale locale des débats du Barreau de Montréal

Par Anaïs Medouni

Jeudi le 10 mars à la pause commune, les quatre murs de la salle d’exposition au D-2209 étaient le théâtre de la finale locale des débats du Barreau de Montréal. Ce concours intercollégial est une occasion pour les jeunes collégiens de pratiquer leurs habiletés en argumentation logique dans le cadre d’un concours fort compétitif dont le jury n’est présidé par nul autre que des membres du Barreau de Montréal. Seulement deux participants par cégep peuvent aller représenter leur enseigne. Cette année, une vingtaine d’individus étaient intéressés à y participer. Les deux personnes capables de se démarquer lors de cette finale locale ont été sélectionnées pour participer officiellement au concours.

Les règles du jeu sont simples : les participants sont mis en paires de façon aléatoire et apprennent, juste avant le début du débat, s’ils devront défendre la position pour ou contre. S’ensuivent 2 minutes 30 d’introduction à sa position par personne, puis 3 minutes de réponse aux arguments de son adversaire et, pour finir, une période d’une minute pour répondre à une question posée par l’adversaire. Le sujet débattu n’était pas des moindres  : « Faut-il réguler les réseaux sociaux ? » ; une question large avec un grand nombre d’aspects à considérer, car la régulation peut prendre diverses formes et engendrer une multitude de conséquences. Tandis que certaines plaidoiries prenaient la forme de discours politiques et d’autres d’éloges de l’opinion au « je », il est certain que les participants ont offert un spectacle de haut calibre. Le jury, composé de trois professeurs du Collège de Maisonneuve dont un avocat et membre du Barreau, n’a pas manqué de relever les quelques faiblesses saillantes des discours à la fin de l’événement tout en félicitant les fructueux efforts des participants.

Cette finale locale avait pour objectif de sélectionner deux participants qui représenteront le collège aux débats intercollégiaux qui auront lieu au mois d’avril. Face à un jury composé exclusivement de membres du Barreau, les heureux choisis devront débattre bec et ongles face à des adversaires de cégeps dont Jean-de-Brébeuf et André-Grasset. Depuis le début de sa participation, le Collège de Maisonneuve n’a jamais pu sortir vainqueur de ce concours bien qu’il se soit imposé sur le podium à plusieurs reprises. 

Cette année, les deux représentants, coachés par le professeur de sciences politiques Jérôme Bélanger-Champagne, se tiendront face aux autres collégiens et tenteront de gagner. Nous avons rencontré ce dernier dans le cadre d’une entrevue pour en apprendre plus sur ce concours.

Anaïs Medouni : Parlez-nous du concours, de quoi ça a l’air ?

Jérôme Bélanger-Champagne : C’est un débat comme on en voit beaucoup dans la culture populaire américaine. Donc, c’est des débats où le thème varie d’année en année. Cette année, par exemple, le thème est « Est-ce que l’État devrait encadrer les médias sociaux ». C’est une bonne question à l’époque dans laquelle on vit parce qu’il y a énormément de raisons de penser que oui et énormément de raisons que penser que non; il y a de très bons arguments des deux côtés et il y a eu des thèmes similaires dans les années passées comme « pour ou contre la peine de mort » ou encore « pour ou contre le système de justice militaire ». Pour les étudiants, il faut aussi être convaincant sur quelque chose en lequel on ne croit pas du tout. Donc c’est un concours national qui est organisé dans l’ensemble du Québec bien que ce soit surtout des cégeps de Montréal qui y participent. Il y a plusieurs collèges qui y participent et chaque collège doit choisir deux « champions » qui participeront à la finale nationale. 

A. M. : Quelles raisons de participer à ce concours donneriez-vous aux étudiants ?

J. B.-C. : Un des principaux avantages de participation est que vous allez aller dans la cour d’appel du Québec. C’est en fait la plus haute cour de justice au Québec; il n’y a pas de Cour suprême au niveau provincial donc la cour d’appel est la plus haute cour de justice et c’est probablement une des salles les plus impressionnantes. Donc on se fait prêter la vraie cour d’appel du Québec pendant une soirée où il y a des jurés qui vont écouter l’ensemble des étudiants des différents collèges puis choisir les collèges gagnants. La façon dont on procède, c’est qu’il y a des demi-finales entre différents collèges (5 demi-finales, donc 5 débats) et les jurés doivent choisir les 2 meilleures équipes indépendamment des duels. Ces deux équipes-là s’en vont en finale et refont le débat avec de nouveaux jurés. Il y a un grand gagnant qui est choisi et il y a aussi un prix de compensation qui est donné au meilleur ou à la meilleure orateur ou oratrice à titre individuel dans une équipe n’ayant pas atteint la finale. 

A. M. : Quel est votre rôle dans tout ça ?

J. B.-C. : Au collège, je participe à la sélection des étudiants. En fait, je suis responsable de déterminer le mode de sélection, donc le débat local. Ce que je fais, c’est que je recrute des étudiants, généralement à la session qui précède; je commence à recruter les étudiants autour de novembre/décembre. Je travaille avec ces étudiants-là une à deux fois par mois pour les aider à les coacher sur le sujet qui a été choisi. Pour faire ça, je contacte des experts de contenu, qui sont des gens qui connaissent très bien le sujet qui peuvent venir rencontrer les étudiants pour faire une présentation générale. Cette année, j’ai contacté un professeur de droit à l’Université de Montréal qui est venu nous rencontrer ici pour coacher les étudiants au début en donnant un petit cours de droit de base sur des notions juridiques autour des médias sociaux. Je m’occupe aussi de choisir un jury qui est constitué de différents profs pour la finale locale.

A. M. : D’après votre expérience, ce concours s’adresse à quel type d’étudiants ?

J. B.-C. : C’est un concours qui demande des gens très compétitifs. Bien souvent, les deux étudiants choisis au cours de la finale locale ont une certaine drive et veulent absolument gagner. Ce sont des étudiants qui  sont motivés, parce que ça demande beaucoup d’heures d’entraînement et de préparation; les étudiants qui ont été choisis passent plusieurs heures par semaine depuis le débat local à se préparer à ça.

A. M. : Le Collège de Maisonneuve n’a jamais gagné la première place; auriez-vous des idées pourquoi ? Et pensez-vous qu’on a de bonnes chances cette année ?

J. B.-C. : Je me suis déjà fait aborder par des membres du jury à quelques reprises dans les dernières années pour me dire :  « Vous étiez vraiment pas loin, Maisonneuve,  on hésitait si vous passiez en finale ». Donc, je sais qu’on se classe bien; je dirais qu’on est vraiment dans la compétition, on fait partie des bons collèges à Montréal. Alors pourquoi ? Probablement parce que les étudiants des autres collèges ont été bien préparés, ils ont été bien coachés, ils ont été bien encadrés et ils ont juste une meilleure performance. Je ne pense pas qu’il y ait des raisons sociologiques à ça. Cela dit, on a une bonne équipe cette année. Ce sont des étudiants qui sont très clairs dans leurs propos, très rationnels.