Tirade pour l’anxieux.se

Par Noah Boisjoli-Jebali

De l’usure de la routine aux blessures irrationnelles, des mâchoires paralysées aux têtes lourdes. Au plus creux de ton lit, quand l’appréhension et les théories se disputent ton regard endormi. Quand tes pieds sont froids, mais que la chaleur des couvertures est accablante. Quand le toucher du matelas, l’odeur de l’oreiller et les bosses du plafond ne te rappellent que le remâchement incessant de tes nuits sans sommeil. Quand le soleil levant réveille le cauchemar, que les rues sont blanches, le vent âpre, que tes souliers fatigués râpent le trottoir. Malgré l’échevellement embrumé de tes journées, je le crois et je le sais : tu as le droit à la paix.

Des printemps euphoriques aux amours explosives, des larmes de sang à l’éclatement des passions. Quand les idées fleurissent dans chaque repli de ton cerveau, que le délire des possibles tend ton cou et brusque ton cœur, que tu sens ton existence dans la plus vertigineuse de ses expressions. Quand il faut t’accrocher à une poésie de coin de table pour entrevoir un brin de beauté dans nos rues stupéfaites d’individualisme. Quand le silence est constamment à combler. Quand la musique et les mots ne servent plus qu’à interrompre le flux incessant de tes anxiétés. Malgré les émotions que tu éventres et analyses jusqu’à n’en voir que tes intestins sanguinolents, malgré la solitude inévitable de l’époque de l’hyperconnectivité, je le crois et je le sais : tu as le droit à la paix.

Tu as le droit de te délecter de ton temps. Tu as le droit de souffler jusqu’au bout de tes poumons, de t’arrêter, de fermer les yeux. Tu as le droit de te défendre, de poser tes limites, de prendre de la place. Tu as le droit d’être sincère, d’aimer et de parler et de penser comme tu le veux; tu as le droit d’être libre du regard d’autrui. Tu as le droit de désirer le meilleur, de tendre vers le bonheur, tu as le droit de recevoir des compliments et de te sourire dans le miroir. Tu as le droit au confort dans le silence, à un air respirable, à l’amitié, à une famille, au sommeil. Je le crois et je te le promets : tu as le droit à la paix.